CELESTINE

A Roger Caillois.

Pour moi, Vichy cristallisera toujours sous la forme de la Célestine, minéral bleu ciel dont la composition chimique, si j’en faisais état, ôterait bien des charmes au nuage de significations qui lui est attaché.

Outre une évidente parenté avec la source des Célestins dont dans mon esprit elle découle, comme issue de ces sources pétrifiantes que l’on trouve un peu partout en Auvergne, elle rassemble dans l’eau bleu céleste de ses cristaux la formule même de cette ville thermale tout entière figée, arrêtée nette dans les débuts du XX ème siècle: peut-être le souvenir de certaines pages de La Recherche du Temps Perdu où Céleste Albaret accompagnait Marcel en cure dans quelque ville d’eaux vient-il mêler le spectre d’ une époque «modern style » aux architectures conservées de la ville.

Le plus grand des attraits que je lui trouve réside dans la combinaison parfaite des éléments aériens, liquides, terriens auxquels, si l’on n’ignore pas que la Chine l’utilisait pour ses feux de Bengale, on pourrait adjoindre l’élément feu, ce qui ne laisse pas de lui conférer un caractère sulfureux, comme si du ciel une fois pulvérisé pouvaient naître les flammes de l’enfer.

Juillet 1997